dimanche 30 octobre 2011

Ascensions

Hier, samedi, après-midi à Kôbe.
On a prévu de grimper jusqu'au sommet du Mont Rokkô, une des nombreuses montagnes vertes au pied desquelles la ville s'étend. On pensait donc ne pas avoir le temps de flâner (serait-on déjà tranquillement blasés en se baladant ?) mais sur le trajet, nous étions rentré dans les merveilles du monde d'Alice.

En fait, la première ascension c'est l'arrivée dans le Kitano-cho (quartier des résidences occidentales). Un quartier en hauteur où des maisons européennes (style colonial le plus souvent, des vieilles baraques avec beaucoup de bois et des toitures étrangement délabrées) côtoient le temple shinto du coin.
Les Japonais viennent y traîner en s'amusant de ces caricatures exotiques (à mettre à côté des nombreuses choses que les Japonais aiment caricaturer), mangent des glaces et se prennent en photo devant les maisons. En même temps, l'ambiance fait vraiment penser à Montmartre, une petite plateforme en hauteur avec vue sur le reste de la ville, pas mal d'artistes dans la rue (acrobates, dessinateurs...) qui amusent des petits groupes d'intéressés.

La deuxième ascension commence derrière la gare centrale de Kôbe. Un passage improbable sous la gare lance le circuit pour faire grimpette, au milieu d'une forêt, à côté d'une rivière dont la source est une superbe chute d'eau perdue.
En s'enfonçant sur la piste, à l'image d'Alice, beaucoup de rencontres étonnantes dans la nuit d'un chemin qui rendait très bien l'atmosphère de Jurassic Park. L'ascension magique nous aura mené à un groupe de salary-man complètement faits, posés à contempler la  baie de Kôbe pour les plus décents, philosopher bizarrement sur les bancs pour les plus intrigants et s'évanouir au milieu de leurs potes pour les plus décadents. Ils ont du en redescendre un en le tenant par la ceinture.

Rencontre avec un chat noir qui valait 5000€. Impossible de savoir s'il s'agit d'une blague mais on tombe sur un petit matou noir, et 20m plus loin sur une affiche avec sa photo et une somme pour le moins intéressante (500 000 yen) mais sans numéro de téléphone, ni adresse. Un peu comme Alice, ce chat perdu au milieu d'un point d'observation nous parlait, il nous promettait une belle récompense ou une blague débile.

En avançant, à mesure que la nuit nous devance, croisé deux Américains dont la famille venait de Louisiane et l'un d'eux parlait un français étonnement correct. Rencontre improbable, son message n'en est pas moins perturbant : la route que vous suivez est sans fin (nous avions encore l'espoir d'atteindre le sommet), vous croiserez peut-être une espèce de sanglier qui peut vous foncer dessus donc faites attention, je vous conseille d'aller voir le "Reservoir"  avec un accent magnifique (Quoi ?? Barrage en fait), ah vous êtes à Kangaku, ma fille aussi, elle est super mignonne d'ailleurs, je suis allé chez un restaurant français de Kôbe, Chez Olivier, tu connais pas ? La serveuse est miam.... etc. Le type avait la quarantaine et faisait sûrement visiter le coin à son père. Vu le contexte, on ne devrait plus jamais avoir à se fier aux probabilités, surtout quand on a vécu l'équivalent d'une séance de thé avec le chapelier.

Peu de photos malheureusement, mais la prochaine ascension sera sûrement plus réaliste (préparée à l'avance pour vraiment aller au sommet), car malgré ce petit récit comment rendre compte de cette indescriptible atmosphère tanguant entre l'improbable et l'inévitable. Je ne peux, pas plus qu'Alice, qui est la première surprise par tout ces surgissements, l'expliquer...

jeudi 27 octobre 2011

Coïncidences étrangères

Aujourd'hui me voilà devenu, officiellement, un résident étranger sur le sol japonais. Une belle carte d'immigré avec ma pire photo, une vérification rapide des chiffres, un remerciement et c'est bouclé par les fonctionnaires. D'ailleurs, la mairie qui ressemblait au hall des improbables avec ses fauteuils pour regarder la télé, qui elle diffuse les chaînes animalières, ses campagnes de prévention pour une meilleure hygiène, son assurance vie devant laquelle une troupe de personnes âgés (très âgés, selon nos critères) attendent tranquillement et j'en passe. Toujours en activité, débordée au point d'exploser mais sereine, austère, fonctionnelle, délabrée, bref un hôpital.

Mais avant de recevoir ce privilège j'ai dû passer sur le corps d'un membre des forces de l'ordre. Je me dirige en vélo vers la mairie, et d'un coup un policier (armé, ça m'a surpris d'ailleurs) me demande gentiment de m'arrêter.
Il me demande si en japonais c'est bon, je fais comme si...
Je pensais que ma chemise violette n'était pas à son goût ou alors j'ai peut-être malencontreusement traversé hors des clous... je reste calme. Et là, apogée de l'ambiance policière, il m'interroge sur le vélo. Il appelle ses collègues et relève le numéro sur le vélo. Je lui explique qu'il appartient à ma famille d'accueil. Il reste très gentil et souriant, malgré le fait qu'il m'arrête sûrement parce qu'il suppose que je l'ai arraché des bras d'une mamie sans défense.
Je lui montre ma carte temporaire, il note que je suis étudiant étranger, et me laisse partir en me disant de « faire attention » (gentiment encore une fois).

Je repars, surpris par le paradoxe du policier méfiant (après tout il m'arrête) mais patient, inquisiteur (il appelle ses collègues et regarde mon vélo pendant 3min) mais extrêmement aimable.
Je rigole en me rappelant qu'il n'arrêtait pas de s'excuser...

Où est passée la fièvre ?


mardi 18 octobre 2011

Western Style

Aujourd'hui j'ai pu m'acheter une chemise Yves St Laurent pour 15€. Comment ? Et bah une brocante était organisée dans la fac... Autre preuve que ce campus est vraiment dingue, puisque quelques jours avant c'était un concert de rock (en plein milieu d'une cour) et régulièrement les mecs qui gueulent en jouant du taiko (tambour) ou les cheerleaders accompagnées d'un orchestre qui répètent en public...

Je finirai par mettre (et faire d'abord) des photos du campus, qui le jour, est une usine, et la nuit, un dérivé d'Alice aux pays des merveilles.

Bref, Western Style.

dimanche 16 octobre 2011

Du souterrain aux étoiles

Vous êtes une fourmi. Pas facile de parcourir de longues distances et quand nous on survit dans les grandes villes vous distinguez à peine le ciel. Pas grave, il y a toujours des choses à faire, vous avez beau tenter de flâner, c'est le flux de vos congénères qui vous rattrapent et vous entraînent.
Bons et mauvais aspects, vous les partagez, vous les définissez, les créez.
Menacées comme délaissées, les fourmis que vous êtes construisent des galeries souterraines. Le ciel, à part lorsqu'il pleut, n'étant pas une grande préoccupation des fourmis (contrairement à nous), les galeries comme principe de vie sont assez faciles à accepter. Ces galeries sont des lieux de vie impensables, elles abritent ce que l'on trouve à la surface mais en mieux organisé, conçues pour gérer les fourmis de leurs besoins les plus simples jusqu'à des attentes relativement luxueuses. Ceci inclut banques, restaurants, salons de massage, drogueries, boulangeries, magasins divers qui s'éparpillent dans un long réseau pouvant couvrir une bonne partie de la ville émergée.



Par exemple, quand les fourmis ont pris goût aux graines de café qui trainaient de temps en temps sur le sol, difficiles à chercher, pénibles à distinguer, parfois coûteuses. Elles ont creusé, en galerie, des espaces réduits, automatisés, pour profiter d'un café mais où l'on ne doit tacitement pas passer plus de 30 minutes sous peine de retarder les autres.

Autre exemple, les fourmis aiment manger, pourtant le cadre de leur vie quotidienne ne leur permet pas de s'attarder sur un copieux repas.
Alors les fourmis, amies de l'utilité et de la fonction, ont inventé les "Izakaya" (en langage fourmi), qui n'est pas définissable mais repose sur des principes de construction de base : espace semi-clos, restreint, serré, accueillant, chaleureux, convivial, abordable, arrosé, rapide, inconfortable et sécurisant. Sorte de petits restaurants, comme on dirait chez nous, les fourmis s'y attablent et avalent leur repas avec leurs amies en profitant de pauses bien méritées pendant que d'autres, perdues dans les galeries, cherchent leur repas.

Travailleuses, les fourmis sont capables de construire des villes, et leurs réseaux souterrains, qui dépassent notre imagination. Nous n'avons que quelques clichés sur eux, aussi bien photos que préjugés, et les réduisons trop souvent à leur qualité stricte de fourmi. Pourtant, les fourmis aspirent aussi à l'émancipation, elles bâtissent des villes qui s'enfoncent dans le sol et montent jusqu'aux nuages.

Au sommet de leurs achèvements, on aperçoit les montagnes, on imagine ces pauvres fourmis qui tentent de devenir des oiseaux. Leur monde, si parfaitement fonctionnel et organisé, contraste et rejoint une sensibilite permanente et un desinteressement occasionnel. On n'a qu'a croire qu'elles ne voient pas le monde.
D'ailleurs, une fois arrivées en haut, au dessus de l'infini entravé par la nature, au dessus de l'ingérable qui se gère, l'activité intensive des fourmis les a privé (probablement à tout jamais) de voir les étoiles.





lundi 10 octobre 2011

Les Japonais aussi aiment le poulet

(Re)Tour à Nara

Dans le Kansai, j'ai la chance d'être très proche de villes merveilleuses, « authentiques » diront les habitants de la région (assez fiers de leur différence avec les gens de Tokyo).
Comment qualifier Nara ? Ville aux lanternes ? Ville aux cerfs (shika) ? La ville-forêt ? Il est déjà même difficile de parler de parc ou de forêt ; la colline qui abrite, sur un grand espace naturel, les temples est une forêt ouverte mais aussi un parc (mais non fermé donc).
J'hésite mais imaginons qu'elle soit inclassable.
Nara c'est l'ancienne capitale du Japon archaïque, une sorte de lieu de naissance de la « civilisation japonaise » (avec Kyoto, très proche). On trouve à l'est de la ville, qui concentre des temples shinto et bouddhistes, une formule de tout ce qu'on peut imaginer du Japon (au delà des villes) sans l'avoir vécu : forêt froide et silencieuse, sanctuaires isolés et lanternes de pierre qui bordent les routes.

La ville baigne dans une tranquillité relative, elle est plus basse, moins rapide. Mais c'est aussi le Japon d'aujourd'hui et pas une image figée dans l'éternel, donc pas mal de voitures, beaucoup de piétons, des hauts-parleurs dans les rues, les conneries habituelles (un restaurant de falafel) et plus de touristes que dans la plupart des villes (c'est-à-dire qu'ici ils sont visibles). Toutefois, Nara est une ville où l'on peut se permettre d'ignorer ce monde, et franchir la barrière invisible qui mène dans la zone sacrée est une chose que j'ai rarement pu apprécier ailleurs.

A peine sorti de la gare, le premier objectif est de louer un vélo. On loue des vélos à la journée pour pas cher. Bien sûr la zone des sanctuaires étant située sur une colline, on travaille ses cuisses toute la journée. Mais le bonheur d'une flânerie en vélo, aux milieux des temples, en passant par les petites rues et les grands chemins dans l'ombre de la forêt est unique.
Plutôt que de choisir un circuit en vélo prédéfini et maximisant votre nombre de sanctuaires visités, on essaie de se perdre dans le parc, trouver les sanctuaires au hasard de la fatigue ou de l'ambiance. On se retrouve en fait, dès l'entrée du parc, obligé de s'arrêter pour s'ébahir devant les cerfs, animaux sacrés de la ville, qui vivent dans un grand espace de liberté (dans la forêt mais sans barrières autour de celle-ci). On croise souvent des petites mamies souriantes qui vendent la seule nourriture autorisée pour les cerfs, éparpillées un peu partout et pas seulement près des boutiques où on peut acheter tout ce que vous imaginez en « merchandising du cerf » (t-shirt, porte-clé, talisman, gadgets pour portables, peluches, cartes, trucs en plastique) à des prix auxquels seul le vrai touriste pourra céder. Une aventure dans l'aventure c'est de nourrir ces bêtes, car cela revient à s'attirer une armée de bambis qui viennent vous bousculer pour leur repas, selon les affiches de prévention ils disposent même d'un sacré arsenal allant du « kick » au « knockdown ». On croise quelques enfants qui pleurent, les jeunes japonaises qui viennent faire leur sorties du w-e et évidemment beaucoup de familles (en plus j'y suis allé un samedi, donc pas très représentatif de l'ambiance de la ville). Jamais autant entendu de « kowai » (« ça fait peur », et oui bambi n'est pas forcément inoffensif) et de « kawai » (« mignon », oui quand même) dans la même journée, drôle de vision du sacré...

A midi, le repas c'est Gyudon (bol de riz avec du boeuf) et bière dans un petit restaurant typiquement japonais : les tables sont séparées par de petites barrières créant ainsi son petit espace à demi fermé, une allée centrale divise la petite pièce en deux dans laquelle circule la dame qui prend les commandes (toujours à voix très haute et sans attendre de merci ou de s'il vous plait).

Retour dans le parc, mais cette fois en s'enfonçant vers le calme. La force des lieux, c'est bien le silence, la nature omniprésente (les sanctuaires, anciens, se trouvent très souvent en forêt) et en même temps un grand détachement (qui en découle ?).
Le sacré, comme d'habitude au cœur de la société, est en même temps relégué, déplacé et donc physiquement isolé alors même que les temples sont ouverts (au contraire par exemple des églises, fermées). Invisible quand il est dans les corps, il explose de visibilité lors des matsuri (festivals) où de grandes processions sont l'occasion de fête et de réunion. Nara est une ville où l'on médite, à méditer.

Avoir un choc spirituel, c'est connu dans le monde quand on approche de la Mecque ou à Jérusalem mais au Japon c'est autre chose. Les spécificités de la religion au Japon sont la synthèse et la tolérance. J'avais d'ailleurs lu quelque part ce proverbe japonais, amusant et peut-être révélateur : « On peut même prier une sardine, c'est une question de foi ». Il est donc intéressant de trouver des temples des deux confessions qui s'avoisinent, voir partagent le même sanctuaire... chose que je n'imagine pas tellement en France. On peut voir là dedans un pragmatisme (« exotique ») mais dès l'origine, l'ancien nom de la ville était Heijo ou « cité de la paix », jusqu'à aujourd'hui où quelque temples (dont le grandiose Todaiji, qui abrite le Bouddha) sont patrimoine mondial de l'humanité, on décèle la reconnaissance d'éléments plus profonds.
Le shinto est la religion « autochtone » du Japon, pour autant il n'est pas l'essence du pays dans lequel on pourrait puiser toute la compréhension des habitudes et mœurs japonaises. Le mystère social est toujours à l'œuvre dans ce pays, avec ou sans religion, car les Japonais (contrairement à ce que j'ai pu voir d'autres pays) donnent une incroyable impression (voire illusion) d'homogénéité.

Nara est une ville spirituelle, elle renferme un esprit qui nous est inconnu. Inconnu mais pas méconnaissable, puisqu'il se donne souvent à voir. Voir et revoir, vivre et revivre des lieux c'était cette journée à Nara. Peut-être parce que j'étais déjà venu il y a trois ans, et que beaucoup de souvenirs sont remontés, c'est ici que j'ai réalisé, après un mois (bientôt jour pour jour), que je vivais au Japon. 




samedi 8 octobre 2011

Men In Black

Le grand fan de Tommy Lee Jones que je suis apprécie la consécration du style. Dans la gare d'Osaka, il est partout, fier comme un président en campagne.
Tout le monde s'en fout de la gueule de Steve Jobs sur la page d'accueil du site d'Apple...



mardi 4 octobre 2011

Vous savez maintenant...

Que le camion-poubelle qui passe le lundi et le mercredi devant chez moi fait sonner une petite musique, comme les camions de glaces.