dimanche 16 octobre 2011

Du souterrain aux étoiles

Vous êtes une fourmi. Pas facile de parcourir de longues distances et quand nous on survit dans les grandes villes vous distinguez à peine le ciel. Pas grave, il y a toujours des choses à faire, vous avez beau tenter de flâner, c'est le flux de vos congénères qui vous rattrapent et vous entraînent.
Bons et mauvais aspects, vous les partagez, vous les définissez, les créez.
Menacées comme délaissées, les fourmis que vous êtes construisent des galeries souterraines. Le ciel, à part lorsqu'il pleut, n'étant pas une grande préoccupation des fourmis (contrairement à nous), les galeries comme principe de vie sont assez faciles à accepter. Ces galeries sont des lieux de vie impensables, elles abritent ce que l'on trouve à la surface mais en mieux organisé, conçues pour gérer les fourmis de leurs besoins les plus simples jusqu'à des attentes relativement luxueuses. Ceci inclut banques, restaurants, salons de massage, drogueries, boulangeries, magasins divers qui s'éparpillent dans un long réseau pouvant couvrir une bonne partie de la ville émergée.



Par exemple, quand les fourmis ont pris goût aux graines de café qui trainaient de temps en temps sur le sol, difficiles à chercher, pénibles à distinguer, parfois coûteuses. Elles ont creusé, en galerie, des espaces réduits, automatisés, pour profiter d'un café mais où l'on ne doit tacitement pas passer plus de 30 minutes sous peine de retarder les autres.

Autre exemple, les fourmis aiment manger, pourtant le cadre de leur vie quotidienne ne leur permet pas de s'attarder sur un copieux repas.
Alors les fourmis, amies de l'utilité et de la fonction, ont inventé les "Izakaya" (en langage fourmi), qui n'est pas définissable mais repose sur des principes de construction de base : espace semi-clos, restreint, serré, accueillant, chaleureux, convivial, abordable, arrosé, rapide, inconfortable et sécurisant. Sorte de petits restaurants, comme on dirait chez nous, les fourmis s'y attablent et avalent leur repas avec leurs amies en profitant de pauses bien méritées pendant que d'autres, perdues dans les galeries, cherchent leur repas.

Travailleuses, les fourmis sont capables de construire des villes, et leurs réseaux souterrains, qui dépassent notre imagination. Nous n'avons que quelques clichés sur eux, aussi bien photos que préjugés, et les réduisons trop souvent à leur qualité stricte de fourmi. Pourtant, les fourmis aspirent aussi à l'émancipation, elles bâtissent des villes qui s'enfoncent dans le sol et montent jusqu'aux nuages.

Au sommet de leurs achèvements, on aperçoit les montagnes, on imagine ces pauvres fourmis qui tentent de devenir des oiseaux. Leur monde, si parfaitement fonctionnel et organisé, contraste et rejoint une sensibilite permanente et un desinteressement occasionnel. On n'a qu'a croire qu'elles ne voient pas le monde.
D'ailleurs, une fois arrivées en haut, au dessus de l'infini entravé par la nature, au dessus de l'ingérable qui se gère, l'activité intensive des fourmis les a privé (probablement à tout jamais) de voir les étoiles.