lundi 19 décembre 2011

S'offrir en offrant

Dans quels genre de moments les Français s'offrent-ils des cadeaux ? Noël ? St Valentin ? Anniversaire ?
Tout cela les Japonais le font bien sûr, mais il y a une autre sorte de cadeau. Première aspect, c'est une petite chose, quelque chose d'insignifiant à première vue (qui se mange en général), dont on disait autrefois en le donnant "tsumaranai koto" (= quelque chose d'ennuyeux, banal).
Ensuite, ce petit cadeau se fait généralement entre amis et sans occasion particulière.

En très résumé ce cadeau japonais, souvenir d'une visite de telle ville appréciée ou simplement un petit quelque chose que l'on veut faire découvrir. Ensuite, j'ai remarqué l'importance de l'emballage, avec des choses que l'on m'avait déjà expliqué avant, tout fait sens.
L'emballage du cadeau est presque plus important que le cadeau lui même. Originellement, celui qui reçoit le cadeau ne l'ouvre pas devant celui qui l'a offert, du coup on peut-être au moins sûr de faire plaisir, tout en cachant, avec du beau papier ou autre. Aujourd'hui, l'importance du "kawaii" (mignon) est telle qu'un cadeau doit aussi l'être, c'est donc un papier à petit motif, une petite corbeille ou tout ce qui peut être mignon pour les Japonais. La "valeur" du cadeau est finalement améliorée par un bel emballage (un peu comme en France).

De là à voir l'obsession du "service au cadeau", le pas à franchir est très amusant. Noël oblige, je me suis mis en quête de cadeaux à offrir à certains de mes hôtes. Premier essai, un "centre de cadeaux" au dernier étage d'un deepato (department store = équivalent de nos grands centres commerciaux). Quelques rayons, des dames en tablier nous font goûter les produits qui sont dans les boites. On se promène en scrutant les prix (qui varient de 30 à 130€) des seto (set) proposant soit du chocolat, des parfums, des bières, des produits cosmétiques, du vin, des spécialités de la région, du thé raffiné etc. Après avoir pris un ticket, on attends, puis on parle avec le conseiller cadeau qui s'apprête à expédier le cadeau à l'heureux destinataire ; C'est donc là que mon histoire s'arrête car j'ai dû expliquer que je voulais "juste" acheter un cadeau, l'emmener et partir avec. Du coup, on m'a fait doublé d'autres personnes, tout en s'excusant on m'a fait goûter des produits dans des boites que je pouvais acheter directement. J'ai choisis, la dernière étape avant de payer fut de choisir l'emballage : on m'en a proposé trois différents.

Comme tous les cadeaux, le cadeau au Japon "engage" la personne qui l'offre (à des degrés d'importance variables) d'une part en offrant un emballage soigneusement choisi, d'autre part en offrant quelque chose que l'on a également choisi de partager. Le cadeau, comme ailleurs, "engage" aussi le receveur à un jour le "rendre" sous une forme peut-être différente.
Autre exemple pour le soin à choisir l'emballage. Dans un autre depaato, je voulais acheter du papier cadeau pour emballer les merveilles de France que j'ai reçu la semaine dernière. Alors je demande du "papier pour cadeau", sûrement avec les mauvais mots car on ne me comprend pas tout de suite, puis on me conduit dans le rayon. Deux rouleaux de papiers différents mais une belle variété de petits sacs, de rubans, de scotchs colorés, de sacs en toiles à motifs, d'autocollants pour sceller les paquets et j'oublie d'autres choses encore.




En fait ce qui m'a vraiment marqué dans les cadeaux japonais, c'est bêtement l'importance qu'on leur accorde, le plaisir que les Japonais ont à recevoir les cadeaux (à relier à leur côté enfantillage) qu'ils "doivent" (ou devaient) se garder d'ouvrir faisant alors monter l'euphorie du cadeau, et donc "l'engagement" du donneur. D'ailleurs, après avoir dégusté le cadeau, si on leur dit "c'était super bon", ils répondent souvent "yokatta" (= tant mieux ou alors je suis soulagé, "ouf"). Et encore je n'ai vu que les cadeaux entre amis, j'imagine que cet engagement est encore plus visible lorsque l'employé offre un cadeau à son patron ou l'élève à son professeur.

Les Japonais, que l'on regarde souvent comme des travailleurs insensibles, méthodiques, fourmis qui s'organisent ou mieux excentriques du robot sont en fait d'une sensibilité particulièrement forte et déploient un éventail incroyable d'attentions lorsqu'il s'agit des cadeaux. D'où le petit jeu de mot, quand je vois un Japonais s'offrir en offrant.

La photo est un petit cadeau que m'a offert ma correspondante. Le matcha (une confiserie au thé vert, spécialité de Kyoto) est emballé dans un papier blanc, lui même emballé dans un papier vert, les deux contenus dans une petite corbeille, elle enroulée dans un petit mot, la corbeille placée au fond du sac blanc.