lundi 19 septembre 2011

Errance dans les couloirs d'Umeda

Aujourd'hui jour férié, la fête des retraités (sérieux), je décide de passer l'après-midi à Osaka (toujours dans le quartier d'Umeda).
Autour de la gare centrale, la vision de la surcharge, de la démesure, de la vie qui s'éparpille. De grandes avenues bordées de buildings partent dans tous les sens alors que les labyrinthes marchands souterrains s'activent continuellement, les rues sont propres, on croise quelques SDF et les activités quotidiennes ainsi que la masse se perpétuent.

On m'a indiqué un temple shinto à aller voir dans le quartier, mais j'ai encore envie de me perdre donc je tourne dans tous les sens au gré du flair. Une fois encore attiré par l'immense galerie couverte, j'évite soigneusement les passages déjà vus et tourbillonne en alternant petites rues et artères majeures. Une nouvelle série de photos s'impose à moi, les mots et expressions en français : "boulangerie Refrain", "Café Amour", "lagare shop", "Club étoile du soir" sont maintenant des réalités que je ne peux plus nier.

Après avoir fait un saut dans un combini (petit magasin généralement ouvert H24) pour déguster un café froid à 1€, je reprends ma route avec détermination et me fie à une galerie dominée par des drapeaux où je crois reconnaitre le nom du temple. Chaque changement de galerie est l'occasion de tomber sous le poids des grattes ciels, je me dirige donc à l'abri de cet univers en me réfugiant sous le regard bienveillant d'une tête de japonaise qui sert de décor et de repérage pour le chemin du temple.
Un arrêt au McDo (mon 1er), le "Aurore-Chicken", burger à 1,50€, et un peu d'eau. Ambiance. Pas un bruit, une petite musique apaisante circule entre les tables, des hommes seuls, des femmes seules, une mamie. Nous sommes au 1er étage, je commence à m'habituer aux petits espaces et pas vraiment le choix puisque cette salle doit faire pas plus de 25 places, un îlot de lenteur dans ce monde de la vitesse qu'est Osaka. Ordinairement, lieu (plus ou moins) de vie, la moitié des personnes dans la salle roupillent, soit la tête en arrière, soit les bras croisés dans leur plateau. Il semble que les Japonais ait trouvé le moyen de créer des espaces de vie inanimés.

Un petit accès au temple se trouve à côté du McDo, je m'y aventure et tombe finalement sur l'enclos sacré que je cherche depuis environ deux heures. Un jardin perdu au milieu d'immeubles de verre, quelques arbres, on marche sur de petits cailloux blancs, quelques salary-men viennent prier, ils rigolent et parlent fort... le peu de gens sur place ne semblent pas dérangé. Bien sûr le temple, plusieurs sanctuaires autour, un chat se balade sur les toits, pas vraiment de bruit ou du moins on n'y fait plus attention. Je franchis le tori (porte) et retrouve le système Umeda.

Le système Umeda, c'est le choix entre les artères et les veines. Un étonnant système de couloirs, dans lesquels on passe, en densité de population, du concert de métal au Sahara. Repérage délicat, beaucoup de ces petites veines se ressemblent, elles ont d'ailleurs plus ou moins les mêmes fonctions : clubs, hôtels, "girls' bar" et petits restaurants. Des lieux de vie inanimés. Les cables éléctriques qui surplomblent ces longs couloirs disparaissent aussitôt que l'on rejoint les artères, où il faut là compter avec les voitures, taxis, bus, piétons et vélos.

Une anatomie des couloirs d'Umeda est amusante, on trouve facilement l'alternative entre les deux systèmes de couloirs : l'univers de la vitesse et du travail (buildings), monde ouvert où la hauteur règne contre les étroites allées dans lesquelles s'étendent de petits espaces de détente, où l'on aperçoit difficilement les grands axes ; et pour les galeries où abondent les pachinko, étant couvertes, le ciel et l'air n'y existent pas. Une histoire de contrastes.

L'Umeda d'aujourd'hui m'a permis de faire un tour dans l'arrière du décor, les endroits qui n'intéressent pas grand monde. A la tombée du jour, les lumières des ruelles s'éveillent et les tours avoisinantes s'endorment.
Dans ce début de sommeil, les embryons de vie qui émergent en dessous de la ville sont ces moments que nous avons peut-être le plus, non seulement à vivre dans la surprise, mais surtout dans la magie de l'ignorance.